Définition et évolution du reste à charge en France

Le « reste à charge », selon la Définition de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), correspond à la part des dépenses de santé qui n’est couverte ni par la Sécurité sociale, ni par les organismes complémentaires (mutuelles, assureurs, institutions de prévoyance), ni par l’État ou les collectivités. C’est donc la somme que le patient doit régler de sa poche, potentiellement allégée par des dispositifs complémentaires spécifiques (ex. : CSS, ex-CMU-C).

En France, le reste à charge est historiquement un des plus faibles d’Europe occidentale grâce à l’architecture solide de la Sécurité sociale et à la large diffusion des complémentaires. En 2022, selon la DREES, le reste à charge moyen pour les ménages s’est établi à 7,0 % des dépenses de santé (hors dépassements d’honoraires non couverts). Pour donner un ordre d’idée, un ménage qui a 1 000 € de dépenses de santé en année pleine en aura réglé, en moyenne, 70 € de sa poche (Source : DREES, Panorama de la santé, édition 2023).

Ce que recouvre vraiment ce pourcentage moyen

Dire que le reste à charge est de 7 % sur l’ensemble n’est toutefois qu’une moyenne, qui cache de grandes disparités. Cette moyenne inclut tous les postes de santé et ne tient pas toujours compte des spécificités des parcours (maladies chroniques, hospitalisations). De plus, certains postes sont quasiment à zéro grâce à la complémentaire santé, d’autres restent plus coûteux – et certains Français demeurent sans complémentaire.

  • Soins courants (médecine de ville, généralistes, spécialistes) : faible reste à charge pour des actes conventionnés, mais des dépassements non remboursés peuvent subsister.
  • Produits de santé (médicaments, dispositifs) : reste à charge en baisse depuis plusieurs années avec le développement de la part remboursable à 100 % pour les ALD.
  • Optique, dentaire, audio : longtemps postes à reste à charge élevé, mais désormais adoucis par la réforme du « 100 % Santé ».
  • Hospitalisation : ticket modérateur limité, mais forfait journalier hospitalier et suppléments restant parfois importants sans mutuelle adéquate.

Focus sur les postes à reste à charge significatif

Consultations médicales et soins courants

Une consultation chez un généraliste secteur 1 (tarif réglementé à 26,50 € depuis le 1er novembre 2023) est remboursée à 70 % du tarif de base, soit 18,55 €. Il reste donc :

  • Ticket modérateur : 7,95 € (26,50 € – 18,55 €)
  • Participation forfaitaire obligatoire : 1 € par consultation, non remboursée par la Sécu ni par la plupart des complémentaires

Avec une mutuelle standard, la totalité du ticket modérateur est généralement remboursée, ne laissant à la charge du patient que le forfait de 1 €. Exceptions : les dépassements d’honoraires pratiqués par certains spécialistes secteur 2 ou hors parcours de soins, pour lesquels la facture peut grimper de 10 à plus de 50 € non pris en charge, selon le contrat complémentaire.

Médicaments

  • Médicaments à « vignette blanche » (remboursés à 65 %) : la Sécu couvre la majeure partie, la mutuelle le complément, reste le forfait de 0,50 € par boîte depuis 2008.
  • Médicaments à 15 % ou 30 % (vignette orange/bleue) : prise en charge beaucoup plus faible, certains contrats de complémentaire excluent ou limitent ce remboursement.
  • Non remboursés : à la charge intégrale du patient.

Les forfaits, symboliques sur une ordonnance isolée, peuvent s’additionner pour les personnes poly-médicamentées.

Dentaire, optique, audioprothèse : la situation après le « 100 % Santé »

  • Dentaire : grâce à la réforme du 100 % santé entrée en vigueur (janvier 2020), nombre de couronnes, bridges, et prothèses sont désormais intégralement pris en charge (Sécu + complémentaire santé). Selon la DREES, le reste à charge moyen sur le poste dentaire est passé de 18,4 % en 2019 à 13,1 % en 2022, soit une division par presque 1/3 en trois ans (source).
  • Optique : avant la réforme, les lunettes étaient le poste champion du reste à charge (plus de 200 € en moyenne par équipement en 2018, d’après UFC-Que Choisir). En 2022, avec le 100 % santé, le reste à charge moyen a chuté à 22,7 % pour l’ensemble des ménages – mais il reste des écarts selon que l’on choisit une monture du « panier 100 % santé » ou hors panier.
  • Audio : l’appareillage auditif baissait peu : reste à charge moyen passé de plus de 1 200 € par oreille en 2018 à 250-300 € par appareil en 2022 pour les bénéficiaires de la réforme. Des économies substantielles mais un reste souvent non négligeable pour les personnes équipées hors panier 100 %.

L’hospitalisation et les séjours longs : ce qu’il reste (et ce que ça peut coûter)

En dehors de titres putôt rassurants, l’hospitalisation représente un poste où le reste à charge peut varier spectaculairement. Le tarif d’une journée classique en hôpital public ou privé (chirurgie, médecine) intègre un « forfait journalier hospitalier » de 20 €/jour (15 € en psychiatrie). Ce forfait, non pris en charge par la Sécu, est habituellement couvert par les complémentaires standard, mais certaines offres d’entrée de gamme n’intègrent que trois à quinze jours/an.

  • Forfait journalier 20 €/jour : coût direct, le seul qui subsiste en hospitalisation courante bien couverte.
  • Dépassements honoraires chirurgicaux et anesthésistes : SNCF, MGEN, mutuelles « haut de gamme » peuvent les rembourser partiellement ou en totalité, mais ce n’est ni systématique ni obligatoire.
  • Chambre particulière, frais de télévision, téléphone : postes 100 % à votre charge hors contrat très protecteur.

Un séjour en maternité de 4 jours (hors complications) revient à 80 € sur le forfait, hors autres frais, soit une facture supportable… si votre couverture est correcte. Pour une chirurgie lourde (cancer, orthopédie) avec dépassements, le reste à charge peut dépasser le millier d’euros pour les personnes mal ou non couvertes.

Impact de la complémentaire santé sur le reste à charge

La France compte, selon la Mutualité Française, près de 95 % de sa population couverte par une complémentaire santé. Cet « assureur supplémentaire » joue un rôle clé : sans lui, le reste à charge moyen pour les ménages grimperait à plus de 22 % du total selon la DREES (contre 7 % en 2022 tels que mesurés réellement). Pour la minorité non-couverte, souvent parmi les foyers les plus précaires, la charge devient alors handicapante, justifiant des dispositifs comme la Complémentaire santé solidaire.

À noter : tous les contrats ne se valent pas. Un contrat responsable et solidaire va couvrir largement les soins de base, mais mal ou pas du tout certains actes coûteux (optiques dernière génération, prothèses dentaires complexes, soins non conventionnés). D’où l’importance d’analyser ses besoins.

Certains assurés paient beaucoup plus… et d’autres beaucoup moins

La moyenne nationale du reste à charge sert d’indicateur pour les politiques publiques, mais masque de grandes inégalités individuelles. Quelques illustrations :

  • Un patient « en ALD » pour diabète ou cancer ne paiera presque rien sur ses soins et médicaments liés à la pathologie prise en charge à 100 %.
  • Une personne sans mutuelle, ou avec une complémentaire très basique, peut se voir réclamer 50 € pour une simple consultation de spécialiste avec dépassement, ou près de 1 000 € pour certaines prothèses dentaires.
  • Aux deux extrêmes, certains foyers paient moins de 10 € par an au titre du reste à charge, là où d’autres, mal couverts, ont plusieurs milliers d’euros d’avance à faire chaque année.

Ce phénomène se retrouve dans la répartition des frais : selon la DREES, 10 % des ménages supportent à eux seuls plus de 70 % du reste à charge total rapporté à l’échelle nationale.

L’avenir du reste à charge en France : tendances, débats et pistes d’évolutions

La question du reste à charge reste centrale dans les débats de société. Le plafonnement des « dépenses catastrophiques » (plusieurs milliers d’euros en une fois sur certains actes non couverts), l’amélioration du panier de soins 100 % santé, l’accès facilité à la complémentaire solidaire pour les plus modestes figurent au menu des réformes possibles.

Dans les réformes récentes, on note une baisse progressive du reste à charge sur les postes historiquement onéreux (dentaire, optique, audioprothèses) avec la volonté de se rapprocher, pour ces actes, du « reste à charge zéro ». En parallèle, les hausses du forfait hospitalier et la multiplication de soins non conventionnés interrogent sur la capacité de l’ensemble du système à préserver un accès sans obstacle financier.

Pour aller plus loin : quelques repères pour diminuer son reste à charge

  • Ne pas hésiter à demander systématiquement un devis préalable pour les actes hors parcours ou à honoraires libres (dentaire, optique, audio, chirurgie).
  • Utiliser les réseaux de soins proposés par sa mutuelle, pour l’optique et le dentaire (baisses de prix et reste à charge optimisé).
  • Se renseigner sur les dispositifs d’aide : Complémentaire santé solidaire (CSS), Aide médicale d’État (AME), prise en charge à 100 % en ALD.

Le reste à charge n’est pas qu’un pourcentage sur une fiche statistique. Il se vit concrètement, acte par acte, et peut peser lourd dans le budget santé de certains ménages. En choisissant soigneusement sa complémentaire et en se tenant informé des dispositifs, il est parfois possible de faire baisser la note là où l’on s’y attend le moins.