Qu’appelle-t-on « reste à charge » en santé ?

Le terme « reste à charge » désigne la somme qui reste à payer par le patient après que la Sécurité sociale et, éventuellement, la complémentaire santé (mutuelle ou assurance santé) ont remboursé leur part des dépenses médicales. Cela inclut souvent des montants auxquels on ne pense pas toujours : ticket modérateur, éventuels dépassements d’honoraires, forfaits, participations forfaitaires, ou encore frais non pris en charge.

En 2022, selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), le reste à charge moyen des Français s’élève à environ 7 % des dépenses totales de santé (source : Drees 2023). Ce chiffre masque en réalité de fortes variations selon les types de soins et les situations.

Les remboursements de la Sécurité sociale : sur quelle base sont-ils calculés ?

La Sécurité sociale ne couvre pas la totalité des frais de santé. Elle s’appuie sur une base de remboursement, appelée Base de Remboursement de la Sécurité Sociale (BRSS), qui peut être différente du tarif réellement pratiqué par le professionnel ou l’établissement.

  • Pour une consultation de médecin généraliste secteur 1 : la base est 25 €, la Sécu verse 70 %, soit 16,50 € après déduction de la participation forfaitaire de 1 €.
  • Pour un acte non remboursé (par exemple, extraction d’une dent de sagesse sans justification médicale suffisante), la Sécurité sociale ne verse rien.

Le reste à charge commence dès lors que le professionnel pratique des dépassements d’honoraires (fréquents en secteur 2 chez les spécialistes) ou que le soin n’est que partiellement couvert.

Rôle et limites des mutuelles et complémentaires santé

La mutuelle (ou complémentaire santé) intervient en deuxième ligne. Elle peut prendre en charge tout ou partie de ce que la Sécu ne paie pas, sur la base d’un contrat et d’un niveau de garanties.

  • Standard : prise en charge à 100 % de la BRSS (c’est la part complémentaire du ticket modérateur).
  • Renforcée : remboursement à 200 %, 300 %… Cela signifie que la mutuelle peut couvrir les dépassements sur la base de la BRSS, mais pas au-delà d’un certain plafond.

Attention : Si le professionnel pratique des tarifs largement supérieurs à la base de la Sécu et de la mutuelle, une part restera à payer. Les contrats responsables, très courants aujourd’hui, ne permettent pas de rembourser tous les dépassements (art. L871-1 et D871-1 du Code de la Sécurité sociale).

Comment se calcule concrètement le reste à charge ?

Le calcul se fait en plusieurs étapes :

  1. La Sécu rembourse une partie (selon le taux de prise en charge sur la BRSS).
  2. La mutuelle prend le relais sur la part non remboursée, dans les limites du contrat.
  3. Ce qui n’est ni couvert par la Sécu, ni par la mutuelle, reste à la charge de l’assuré.

Un exemple concret pour mieux comprendre

Description Montant (€)
Consultation spécialiste secteur 2 (tarif pratiqué) 60
BRSS (base de remboursement) 25
Remboursement Sécu (70% – 1€ PF) 16,50
Remboursement mutuelle (100% BRSS) 7,50
Reste à charge final 36

Même avec une « bonne mutuelle », si la garantie se limite à 100 % BrSS, le patient assume la majorité du prix. Pour une mutuelle affichant 200 % BRSS, la prise en charge totale serait 2 × 25 € = 50 €, donc le reste à charge serait de 10 € (hors éventuels forfaits).

Quels sont les principaux éléments composant le reste à charge ?

  • Le ticket modérateur : c’est la part non remboursée par la Sécu mais que la majorité des mutuelles prennent en charge.
  • La participation forfaitaire : de 1 € sur les consultations, 24 € pour certaines interventions lourdes.
  • Les dépassements d’honoraires : facturés par les praticiens, notamment les spécialistes et dentistes.
  • Forfaits et franchises : par exemple, 0,50 € par boîte de médicaments, 2 € par transport sanitaire.
  • Soins non pris en charge du tout ni par la Sécu, ni par la mutuelle : homéopathie, implants dentaires hors panier 100 % santé, médecines alternatives…

Certains soins sont-ils plus exposés au reste à charge ?

Oui, tous les soins ne sont pas égaux devant la protection sociale. Selon l’IRDES (Institut de Recherche et Documentation en Économie de la Santé), les secteurs les plus exposés sont :

  • Les soins dentaires : avant la réforme du 100 % santé, le reste à charge pouvait dépasser plusieurs centaines d’euros pour une couronne ou une prothèse. Aujourd’hui, le « panier 100 % santé » supprime le reste à charge sur certaines prestations, mais seulement pour un choix limité de matériaux ou d’actes.
  • Les lunettes et audioprothèses : domaines historiquement « à reste à charge élevé ». Là aussi, le « 100 % santé » change la donne sur certains équipements standards (ameli.fr).
  • L’hospitalisation : le forfait journalier hospitalier (20 €/jour en 2024) n’est jamais remboursé par la Sécu, il peut l’être par certaines mutuelles.

Paradoxalement, plus on avance en âge ou plus son état de santé s’altère, plus le montant global du reste à charge peut devenir important, même quand une complémentaire santé est en place.

Ce qui change (ou pas) avec la réforme du « 100 % santé »

Mise en place entre 2019 et 2021, la réforme « 100 % santé » a permis d’annuler le reste à charge pour certains soins essentiels (optiques, dentaires, audioprothèses), à condition de choisir dans le « panier » de prestations définies par la réglementation. Néanmoins, :

  • Hors du panier 100 % santé, le reste à charge subsiste, parfois à des niveaux très élevés.
  • De nombreux soins (kinésithérapie, ostéopathie, soins à l’étranger…) restent en dehors du dispositif.

D’après la Drees, le dispositif « 100 % santé » a divisé par deux le reste à charge moyen sur les lunettes en trois ans, mais 4 Français sur 10 affirment avoir déjà renoncé à certains soins pour raisons financières (60 Millions de consommateurs, juillet 2022).

Comment anticiper et limiter le reste à charge ? Conseils pratiques

  • Bien lire son contrat de mutuelle : attention aux garanties « 100 % » ou « 150 % », qui s’appliquent uniquement sur la BRSS.
  • Demander un devis systématique pour les soins coûteux (dentaire, hospitalisation, optique, spécialistes secteur 2).
  • Vérifier le réseau de soins de sa mutuelle : certains assureurs proposent des tarifs négociés (notamment pour l’optique, les prothèses dentaires).
  • Choisir un médecin en secteur 1 lorsque c’est possible (moins de dépassements d’honoraires).
  • Être attentif aux exclusions et plafonds de remboursement des contrats, qui peuvent totalement modifier le reste à charge en cas de coup dur.

La consultation du parcours de soins coordonnés est aussi primordiale : en dehors de celui-ci (ex : aller voir un spécialiste sans passer par le généraliste), le taux de remboursement chute et le reste à charge grimpe.

L’évolution du reste à charge en France : où en est-on ?

Selon l’OCDE, le système français se situe parmi les plus protecteurs d’Europe : le reste à charge y est parmi les plus faibles (OCDE, Panorama de la santé, 2023). Pourtant, pour certaines tranches de la population (personnes précaires, étudiants, personnes âgées), il reste une source de renoncement aux soins ou de difficultés de paiement.

L’instauration de la Complémentaire santé solidaire (CSS) a permis à plus de 10 millions de personnes d’accéder à des soins mieux remboursés. Cependant, la complexité des garanties et les limites des contrats responsables laissent subsister – y compris chez des personnes couvertes – un reste à charge parfois difficile à anticiper voire à éviter.

Vers une prise en charge encore plus solidaire ?

La question du reste à charge reste un enjeu majeur de santé publique. Les politiques publiques tentent depuis des années de réduire celui-ci, par exemple via la réforme 100 % santé ou avec les contrats responsables. Mais la part non remboursée continue d’alimenter les inégalités d’accès aux soins. Face à cela, savoir bien lire les garanties, poser des questions lors de la souscription, demander des devis détaillés et ne pas hésiter à comparer les solutions sont des réflexes essentiels pour éviter les mauvaises surprises.

Pour toutes celles et ceux qui accompagnent un proche ou cherchent à gérer leur propre budget santé, bien comprendre le mécanisme du reste à charge est la première étape pour mieux maîtriser ses dépenses, sans avoir à renoncer à des soins nécessaires.