Introduction : Un système de santé généreux… mais pas toujours lisible

La France possède l’un des systèmes de protection sociale les plus complets au monde, mais il reste complexe à saisir pour la plupart d’entre nous. Beaucoup pensent, à tort, que « tout est remboursé » ou que seuls certains soins rares sont pris en charge. En réalité, la Sécurité sociale couvre une grande partie des dépenses de santé, mais selon des règles précises, parfois déroutantes si l’on ne s’y penche pas soi-même.

Ce guide fait le point, de façon détaillée, sur ce qui est – ou pas – remboursé par l’Assurance Maladie (le Régime Général essentiellement), comment cela fonctionne, et pourquoi il est important de savoir ce que prend en charge la Sécu avant même de s’interroger sur la mutuelle.

Le schéma général du remboursement : base, taux et ticket modérateur

Avant de plonger dans le détail, rappelons le principe fondateur du remboursement : la Sécurité sociale s’appuie sur une base de remboursement (aussi appelée tarif de convention), à laquelle elle applique un taux. Le reste, appelé ticket modérateur, est ce qui reste à votre charge (ou à celle de votre complémentaire santé).

  • Exemple concret : Une consultation chez le médecin généraliste coûte 26,50 €. La base de remboursement est 26,50 €, la Sécu applique un taux de 70 %. Elle rembourse donc 18,55 € (moins éventuellement 1 € de participation forfaitaire). Le ticket modérateur est de 8,00 €.

Ce système s’impose pour la quasi-totalité des frais de santé, qu’il s’agisse de soins courants, de médicaments ou même d’hospitalisation.

Consultations médicales et soins courants : comment ça fonctionne réellement ?

Les consultations chez le médecin, qu’il soit généraliste ou spécialiste, sont parmi les dépenses les plus fréquentes. Le remboursement dépend du secteur du médecin :

  • Secteur 1 : Médecins conventionnés, pratiquant le tarif sécu (ex : 26,50 € chez le généraliste depuis novembre 2023). Remboursement à 70 % sur la base du tarif.
  • Secteur 2 : Médecins autorisés à pratiquer des honoraires libres (dépassements d’honoraires). Le remboursement se fait toujours sur la base sécu.
  • Secteur 3 : (hors convention), faibles remboursements.

Les soins de la médecine de ville incluent aussi les actes infirmiers, la kinésithérapie, l’ostéopathie (non remboursée sauf cas très rares), les sages-femmes, etc.

  • La Sécu rembourse 60 % pour les séances de kiné (base variable selon le type d’acte).
  • Pour un acte infirmier (prise de sang, pansement), remboursement à 60 % de la base.
  • Les analyses médicales (laboratoires) sont en général remboursées à 60 %.
  • Attention : La participation forfaitaire de 1 € s’applique pour les consultations, les examens radiologiques et analyses, plafonnée à 50 €/an/personne.

Bon à savoir : Pour bénéficier du remboursement « plein » (70 % pour le médecin), il faut respecter le parcours de soins coordonné (déclarer un médecin traitant, passer par lui pour consulter un spécialiste hors accès direct).

Médicaments : un remboursement très variable, et souvent méconnu

La prise en charge des médicaments dépend de leur « service médical rendu » (SMR). Il existe 4 niveaux de remboursement :

  • 65 % : Médicaments à SMR « majeur ou important ». C’est le cas de l’essentiel des médicaments prescrits.
  • 30 % : Médicaments à SMR « modéré » (ex : sirops contre la toux, certains anti-inflammatoires).
  • 15 % : Médicaments à SMR « faible » (de plus en plus rares, certains veinotoniques par exemple).
  • 0 % : Médicaments à SMR « insuffisant » ou déremboursés (plus de 1200 références ont été sorties du remboursement ces dix dernières années).

Chiffre important : En 2023, 83 % des boîtes de médicaments délivrées étaient à SMR « majeur ou important » (source : Assurance Maladie – Statistiques).

L'obligation de prendre un générique, sous peine de pénalité (« tiers-payant contre génériques »), a également un impact concret sur la prise en charge.

Hospitalisation : prise en charge massive, mais part non négligeable à votre charge

L’hospitalisation est largement remboursée par la Sécurité sociale :

  • 80 % des frais d’hospitalisation sont remboursés (100 % pour certaines situations : ALD, accident du travail, grossesse à partir du 6e mois, enfants de moins de 18 ans…).
  • La base de remboursement inclut le forfait journalier (20 €/jour en 2024) qui reste à votre charge et n’est jamais pris en charge par la Sécu mais souvent par la mutuelle.
  • Les dépassements d’honoraires (chirurgiens, anesthésistes) ne sont pas couverts.

Cas concret : Pour une opération standard, le coût pour la Sécu peut atteindre plusieurs milliers d’euros, mais le patient reste redevable du forfait journalier et, selon l’établissement, de frais annexes (télé, chambre individuelle, etc.).

Précision importante : la notion « d’hôpital public » ou « privé » n’entre pas en ligne de compte pour le remboursement, c’est la convention avec l’Assurance Maladie qui fait foi.

Soins dentaires, optique et audioprothèses : des paniers de soins spécifiques mais plafonnés

Dentaire : soins courants et prothèses

La Sécurité sociale rembourse, en 2024 :

  • 70 % pour les soins courants (détartrage, carie, extraction).
  • Les prothèses (couronnes, bridges) font l’objet d’une base de remboursement bien inférieure au coût réel, souvent entre 70 € et 120 € pour une couronne, appliqué à 70 %.
  • Orthodontie des enfants < 16 ans remboursée sur base « sécurité sociale » (après accord préalable) – Plafond annuel à respecter.

Depuis 2020, le dispositif « 100 % Santé » (reste à charge zéro) permet de choisir des couronnes, bridges ou dentiers intégralement remboursés, mais dans un panier limité de matériaux ou d’options esthétiques.

Lunettes et lentilles : une prise en charge minimale, renforcée par certains dispositifs

- Les lunettes (montures + verres) sont remboursées à 60 % sur une base Sécu fixée à moins de 20 € pour des verres simples (d’où un remboursement inférieur à 10 € sans mutuelle, alors que les montures coûtent souvent 80 à 150 €).

- Lentilles remboursées uniquement dans le cadre d’affections précises (myopie forte, astigmatisme important, etc.), sur prescription, à hauteur de 39,48 €/œil/an.

- Le « 100 % Santé Optique » permet, depuis 2020, d’accéder à des équipements intégralement remboursés (choix limité de verres et montures).

Aides auditives : évolution notable depuis 2021

Jusqu’en 2021, les prothèses auditives étaient réputées très mal remboursées (moins de 200 € par oreille). La réforme « 100 % Santé » a changé la donne : il est désormais possible d’obtenir une aide auditive intégralement prise en charge, dans la gamme « panier 100 % Santé ». Les équipements plus sophistiqués restent peu remboursés.

Prise en charge dans les situations particulières : maternité, ALD, soins à l’étranger

  • Maternité : Dès le 6 mois, tous les frais médicaux liés à la grossesse sont remboursés à 100 % (examens, hospitalisation, suivi), hors dépassements d’honoraires et forfait journalier.
  • Affections Longue Durée (ALD 30) : Les personnes souffrant de pathologies graves (cancer, diabète, sclérose en plaques, etc.) peuvent être prises en charge à 100 % sur les soins en rapport direct avec la maladie (source : Assurance-maladie.fr).
  • Soins à l’étranger : Séjour court dans l’UE : Carte Européenne d’Assurance Maladie, prise en charge selon le pays. Hors UE, très faible prise en charge, sauf rapatriement pour raison médicale grave.

Quid des soins non remboursés ?

La liste des actes non remboursés est en constante évolution. Parmi eux :

  • Praticiens non conventionnés, médecines douces (ostéopathie, acupuncture, sophrologie… sauf exceptions rares et uniquement si praticien est médecin diplômé et conventionné).
  • Cures thermales (hors pathologies spécifiques, et avec prise en charge limitée à une par an sous conditions).
  • Chirurgie esthétique (remboursée seulement si réparatrice après accident/maladie).
  • Certains vaccins et médicaments considérés comme à faible SMR.

Les actes jugés « de confort » ne sont quasiment jamais remboursés.

Participation forfaitaire, franchises et plafonds annuels : des subtilités à connaître

  • Participation forfaitaire de 1 € sur chaque consultation ou acte de biologie, limitée à 50 €/an/patient.
  • Franchise médicale sur les médicaments (0,50 €/boîte), actes paramédicaux (0,50 €/acte) et transports sanitaires (2 €/trajet), plafonds annuels d’application.
  • Ces montants restent toujours à la charge du patient, même avec une complémentaire santé.

Outils et astuces pour suivre son remboursement

  • Le compte Ameli (ameli.fr) permet de consulter en temps réel l’historique de ses remboursements, ses droits et ses documents.
  • La « base de remboursement » de chaque acte est consultable sur Ameli ou dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP).

Bilan récent : Selon l’Assurance Maladie, le reste à charge moyen des Français (c'est-à-dire la part réellement payée avant mutuelle) a chuté à 7,7 % en 2022, soit l’un des plus bas de l’OCDE, grâce à ce système très structuré et à la généralisation des complémentaires santé (source : DREES, Panorama Sécurité sociale 2023).

Quels outils pour anticiper son reste à charge et bien se couvrir ?

  • Demander systématiquement un devis écrit pour tout acte coûteux (dentaire, optique, chirurgie, etc.).
  • Vérifier que le professionnel est bien conventionné (Secteur 1 ou 2).
  • Utiliser le simulateur « Remboursements » sur ameli.fr pour estimer ce qui sera pris en charge.

Pistes d’évolution et vigilance : le remboursement aujourd’hui et demain

Le périmètre des soins pris en charge et leurs taux de remboursement évoluent régulièrement, souvent dans un sens restrictif (coupe dans la liste des médicaments, hausse du forfait hospitalier…), mais avec l’objectif de concentrer l’effort sur ce qui est jugé essentiel. Les dispositifs tels que « 100 % Santé » ont permis des avancées concrètes en dentaire, optique et audioprothèse, mais complètent plus qu’ils ne transforment l’existant.

La connaissance précise du « qui paie quoi » permet de mieux anticiper ses dépenses, d’éviter des surprises désagréables et, finalement, de choisir sa couverture complémentaire en toute connaissance de cause.

Pour aller plus loin : Consulter le site officiel de l’Assurance Maladie (www.ameli.fr) ou la DREES pour les dernières évolutions et chiffres à jour.