Un système de remboursement à deux étages : pourquoi ce fonctionnement ?

En France, la protection en matière de santé repose sur un principe simple en apparence : la prise en charge de vos soins est partagée entre l’Assurance Maladie (Sécurité sociale) et, si vous en avez une, votre mutuelle (complémentaire santé). Pourtant, nombreux sont celles et ceux qui peinent à saisir précisément ce qui est remboursé, ce qui ne l’est pas, et comment la mutuelle intervient. Un point clé : la Sécurité sociale ne rembourse jamais 100 % de vos dépenses de santé. C’est là que la mutuelle entre en jeu, en venant réduire, voire annuler le fameux « reste à charge ».

Dans la réalité, il n’existe quasiment pas de soin (hors dispositifs exceptionnels) pris en charge intégralement par la Sécurité sociale en dehors des cas de la CMU-C et de l’AME, qui concernent des publics spécifiques. Le système est donc pensé pour qu’une grande majorité de Français associent à leur couverture de base une couverture complémentaire (mutuelle).

Comment fonctionne le remboursement de l’Assurance Maladie ?

L’Assurance Maladie détermine pour chaque acte médical ou soin un « tarif de convention » ou « base de remboursement », qui sert de référence. Le pourcentage de prise en charge s’applique alors sur ce tarif uniquement, non sur le prix réellement payé. C’est souvent source de confusion.

  • Par exemple, pour une consultation de médecin généraliste secteur 1 (hors dépassement), la base de remboursement est de 25 €. La Sécurité sociale rembourse 70 %, soit 17,50 €. À cela il faudra retirer généralement 1 € de « participation forfaitaire » qui reste toujours à votre charge. Au final, le remboursement de la Sécu est donc de 16,50 €.
  • Pour des lunettes, la logique est la même, mais la base est encore plus faible : les montures sont remboursées sur la base de 0,05 € (hors 100 % Santé). Vous payez en réalité bien plus cher !
  • Pour l’hospitalisation, la prise en charge est à hauteur de 80 % du tarif conventionné, mais un « forfait journalier » (20 €/jour en 2024) et les éventuels dépassements d’honoraires restent à payer.

Pour résumer le schéma :

  • Prix réel du soin (ce que vous payez)
  • Base de remboursement déterminée par l’Assurance Maladie
  • % remboursé par la Sécu sur cette base (souvent 70 %, parfois 60 %, 100 % sur certaines affections de longue durée ou maternité)
  • Reste à charge : part non remboursée, plus les éventuels dépassements, plus les forfaits (1 €, forfait hospitalier, etc.)

Source : Ameli.fr, textes de références Assurance Maladie.

À quoi sert alors la mutuelle ? Une réponse concrète au « reste à charge »

La mission essentielle d’une mutuelle : intervenir sur la part non remboursée par la Sécurité sociale. Mais attention, la mutuelle ne rembourse pas tout, dans toutes les situations : elle suit des règles spécifiques, définies dans le contrat. Elle intervient, en général, de deux façons :

  • En pourcentage de la base de remboursement : la plupart des formules affichent des « 100 % BR » (base remboursement), « 200 % BR », etc.
  • En forfaits annuels ou par acte : par exemple, 250 € par an pour l’optique, x €/an pour les prothèses dentaires, forfait par nuit pour l’hébergement en chambre particulière à l’hôpital, etc.

Exemples chiffrés : consultation spécialiste, lunettes, hospitalisation

  • Consultation spécialiste secteur 2 avec dépassement d’honoraires : - Prix facturé : 60 € - Base de remboursement Sécu : 30 € - Remboursement Sécurité sociale (70 %) : 21 € – 1 € forfait = 20 € - Reste à charge sans mutuelle : 60 € – 20 € = 40 € - Avec une mutuelle à 150 % BR : elle complète jusqu’à 45 € (30 x 1,5), soit 45 € – 20 € (déjà remboursés par la Sécu) = 25 € - Votre reste à charge : 60 € – 20 € (Sécu) – 25 € (mutuelle) = 15 €
  • Lunettes de vue (hors 100 % Santé) : - Prix de la monture : 120 € - Base de remboursement Sécu : 0,05 € - Remboursement Sécu : 0,03 € - Mutuelle (forfait annuel 180 €) : remboursement jusqu’à 120 € si non dépassé. - Reste à charge : 0 €
  • Hospitalisation de 5 jours (forfait journalier, chambre individuelle) : - Forfait journalier : 5 x 20 € = 100 € - Chambre individuelle : 50 €/nuit - Mutuelles : certaines remboursent le forfait hospitalier (source UFC-Que Choisir), d’autres non, idem pour la chambre individuelle (peut aller de 20 à 100 €/jour selon niveau de garantie). - Sans mutuelle, le montant reste entièrement à la charge du patient. Avec mutuelle adaptée, il peut être proche de 0 €.

Bon à savoir : ce que la mutuelle ne prend jamais en charge

Il est important de garder à l’esprit que certaines dépenses resteront à votre charge, même avec la meilleure mutuelle :

  • Participation forfaitaire de 1 € (hors enfants et femmes enceintes) : jamais remboursée.
  • Franchise médicale sur médicaments, actes paramédicaux et transports sanitaires (0,50 €/boîte de médicament, etc.)
  • Dépassements d’honoraires non couverts par le contrat (par exemple, si votre mutuelle est à 100 % BR et que le spécialiste facture 3x le tarif de base, le surplus n’est pas remboursé).
  • Soins hors nomenclature : tout ce qui n’est pas reconnu dans la base de remboursement (certains vaccins, médecines douces hors contrat, actes non remboursés par la Sécu, etc.).

C’est le fameux « reste à charge », qui dépend donc du niveau de garanties choisi, et de la politique de chaque mutuelle.

Comment savoir ce que ma mutuelle rembourse : décrypter les tableaux de garanties

Comprendre les tableaux de garanties est LA clé pour apprécier ce que votre mutuelle vous apportera vraiment. Voici comment déchiffrer les principales lignes :

  • « 100% BR » (base remboursement) : la mutuelle complète uniquement à hauteur du tarif conventionné, ce qui signifie que les dépassements d’honoraires restent à votre charge.
  • « 200% BR », « 300% BR » : votre mutuelle rembourse jusqu’à 2x ou 3x le tarif Sécu. Utile en cas de spécialistes à honoraires libres (secteur 2), mais souvent limité à certains actes (ex : consultations, hospitalisation mais pas optique).
  • Forfaits : typiques des postes optique, dentaire, audioprothèse. Par exemple, « Lunettes : 200 €/an ».
  • Frais réels : particulièrement pour la chambre particulière en cas d’hospitalisation dans certaines formules haut de gamme, mais cela reste rare.

Exemple concret : pour une consultation d’ophtalmologue à 80 €, avec un remboursement Sécu de 30 €, si vous avez une mutuelle à 150 % BR, elle prendra en charge jusqu’à 45 € (30 x 1,5) – 30 € déjà payés par la sécurité sociale = 15 €. Si le reste est supérieur (ici, il l’est : 80 € - 30 € = 50 €), la différence reste à votre charge, sauf si une prise en charge forfaitaire ou frais réels est prévue.

Le dispositif « 100 % Santé » : la prise en charge intégrale dans certains cas

Depuis 2021, le dispositif « 100 % Santé » (ou « Reste à Charge Zéro ») a changé la donne sur trois grands postes : optique, dentaire, audioprothèses. Pour ces équipements, certains paniers de soins sont totalement remboursés par la combinaison Sécu + mutuelle, si vous choisissez des équipements ou soins éligibles et une mutuelle responsable. C’est un changement important dans le paysage des remboursements.

  • Prothèses dentaires : certaines couronnes et bridges sont intégralement prises en charge.
  • Lunettes de vue : certaines montures et verres correcteurs sont « reste à charge zéro ».
  • Audioprothèses : comme pour les lunettes, des modèles sont totalement couverts.

Les équipements hors panier 100 % Santé restent partiellement remboursés selon votre contrat. Prendre le temps de bien vérifier la liste des équipements éligibles auprès de votre professionnel de santé reste donc indispensable. Source :  gouvernement.fr, Santé.gouv.fr

Zoom sur quelques cas particuliers : familles, maladies chroniques et hospitalisations longues

Certains profils de patients sont particulièrement sensibles aux différences de couverture. Quelques exemples :

  • Familles avec enfants : soins orthodontistes rarement entièrement couverts, dépassements fréquents en dentaire et optique.
  • Personnes atteintes d’affections de longue durée (ALD) : la Sécu prend 100 % sur les soins en lien direct, mais non sur les actes annexes ou hors ALD (consultations hors ALD, pharmacie courante, etc.). La mutuelle reste donc utile.
  • Hospitalisation longue durée : forfait journalier devient un coût important, tout comme la chambre individuelle et les éventuels accompagnants non pris en charge (lit parent à l’hôpital pour les enfants). La mutuelle peut prendre en charge une partie ou la totalité, mais ce n’est jamais systématique.

Certains métiers ou statuts (fonctionnaires, travailleurs indépendants) disposent également de contrats spécifiques, souvent adaptés mais avec des niveaux de remboursement très variables d’un organisme à l’autre.

Adapter sa mutuelle : choisir selon sa situation, pas selon des moyennes

Il n’existe pas de « meilleure » mutuelle universelle. Les besoins et le reste à charge diffèrent beaucoup selon les profils : jeune actif sans problème de santé, famille avec enfants, personne avec maladie chronique, seniors. Statistiquement, selon la DREES (données 2022), le reste à charge moyen après intervention de la complémentaire santé était de 213 €/an, mais derrière cette moyenne, les variations sont énormes : 9 % des assurés avaient un reste à charge supérieur à 500 €/an !

Quelques repères pour faire le bon choix :

  • Lisez bien le détail des garanties, non le simple taux de remboursement affiché.
  • Vérifiez que les postes de soins utilisés dans votre famille (optique, dentaire, médecine douce, etc.) sont bien couverts.
  • Estimez avec précision les éventuels dépassements d’honoraires dans votre zone géographique (les tarifs peuvent doubler entre Paris et certaines régions rurales).
  • Pensez à vérifier délais de carence, plafonds annuels, et exclusions…

Comprendre la complémentarité : le dernier mot à donner à la transparence

La complémentarité entre Assurance Maladie et mutuelle repose sur la compréhension du fonctionnement des remboursements, des bases de calcul et des plafonds propres à chaque contrat. Elle varie fortement selon les besoins, le niveau de soins habituels, la présence ou non d’une couverture spécifique (panier 100 % Santé). Savoir lire ses garanties et garder en tête que certains frais ne seront jamais couverts (franchise, participation forfaitaire…) permet d’anticiper au mieux ses dépenses.

La clé : choisir une mutuelle adaptée à ses vrais besoins, et savoir mobiliser l’ensemble des informations disponibles, y compris auprès d’associations de consommateurs ou de professionnels de santé.

Pour aller plus loin :